Propos autour de la décision de la troisième Chambre civile du 19 janvier 2022 (n° 20-19.329)
Le permis valant division institué par l’article R. 431-24 du Code de l’urbanisme permet, en respectant son cadre, d’obtenir une autorisation de construire sur plusieurs bâtiments ; puis, de diviser en propriété ou en jouissance le terrain d’assiette, avant achèvement du projet.
Ce permis a donc comme finalité la réalisation d’une opération immobilière d’ensemble, en ce compris, des maisons individuelles.
Il s’agit d’un permis unique mais valant division et non de plusieurs permis distincts sur des lots à bâtir ; ce qui serait caractéristique d’une opération de lotissement.
A l’inverse, lorsqu’un propriétaire divise un terrain au profit d’acquéreurs de parcelles de terrain à bâtir pour que chacun y construise une maison individuelle, il s’agit là, d’un lotissement institué par les articles L.442-1 et suivants du Code de l’urbanisme. La notion de maison individuelle est d’ailleurs définie par l’article L.231-1 du Code de la construction et de l’habitation : elle ne doit pas comporter plus de deux logements.
La réponse ministérielle Sueur (Rep. min n° 1040 , 19 avril 2018, Jo Sénat, 19 avril 2018, p.1921) et certaines réponses antérieures (Rep. min n° 16282, dite “Vauzelle”) présentaient alors comme une violation des règles du lotissement le fait de transférer le permis valant division, aux acquéreurs des terrains, pour y bâtir une maison individuelle.
Les juges du fond relevaient aussi, lors des transferts partiels de permis valant division, une fraude au droit du lotissement (CA Paris, 22 octobre 2014, n° 13/13338).
Ainsi, céder des droits à construire portant sur une maison individuelle par la voie d’un transfert partiel de permis valant division semblait délicat.
Une telle cession devenait celle d’un terrain à bâtir et relevait de la procédure de lotissement. Elle était alors précédée d’une déclaration préalable ou d’un permis d’aménager – article R.421-19 et R.421-23 du Code de l’urbanisme.
Toutefois, une décision de la troisième Chambre civile du 19 janvier 2022 de la Cour de cassation réfute cette position.
La question posée à la Haute Juridiction est la suivante : est-il possible d’obtenir un permis valant division portant sur des maisons individuelles puis céder les terrains ainsi identifiés à des acquéreurs qui construiront alors les bâtiments autorisés ?
Les juges de droit valident les transferts partiels du permis valant division aux différents acquéreurs des terrains divisés.
Ils estiment aussi que le projet de construction autorisé par un tel permis peut porter sur des maisons individuelles.
Jusqu’alors un tel montage était délicat.
Et, la pratique notariale fait preuve d’une certaine prudence : la frontière entre la réglementation du lotissement et le permis valant division est effectivement ténue.
Mais, par cette décision, la Chambre civile de la Cour de cassation lève le voile sur nos incertitudes et entend admettre ce type de montage.
Puisque sont admis les transferts partiels de permis, chacun peut donc construire sur le terrain acquis, le bâtiment autorisé dans le cadre du permis valant division.
Et, la division peut concerner un terrain sur lequel les constructions ne sont pas encore réalisées : l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme exige simplement la division (et non la construction de l’ensemble du projet) avant achèvement.
Au final, cette opération conduit à une division foncière et à élever, sur chaque terrain acquis, un bâtiment sous la maitrise d’ouvrage de l’acquéreur.
Elle pourrait donc aussi se réaliser par le canal d’un lotissement. En revanche, un tel montage ne peut être autorisé par la voie d’une division primaire : prévue à l’article R. 442-1, (a), du Code de l’urbanisme, elle doit être utilisée seulement si le projet porte sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle.
A l’inverse, les divisions effectuées par le permis valant division ne comporte aucune réserve relatives aux constructions sur lesquelles porte le projet.
Le permis valant division peut donc être utilisé pour la constructions de maisons individuelles au profit des acquéreurs des terrains et suppose un transfert partiel du permis
Mais, il demeure une incertitude : que deviennent les équipements communs et comment sécuriser les acquéreurs pour assurer la réalisation de ces équipements et/ou les travaux de viabilisation du terrain ?
La pratique notariale sera à même de soulever ce point et de proposer aux acquéreurs des terrains les garanties conventionnelles nécessaires à la réalisation des voiries et aux autre équipements prescrits par le permis de construire valant division.
Le succès de cet outil en dépend : il sera, à tout le moins, indispensable, lors de la cession de garantir la réalisation des équipements de viabilisation des terrains issus de la division par le vendeur ou de reporter cette charge sur les acquéreurs.
Pouvons nous parier que le législateur ou le Conseil d’Etat se saisisse à son tour de cette question ?
L’avenir le dira mais l’une de ces interventions serait bienvenue pour clarifier encore la pratique du permis valant division.